vendredi 30 octobre 2020

SELON MARIO DUMONT, LE DÉPART DES NORDIQUES EN 1995 A CAUSÉ LA DÉFAITE DU «OUI» AU RÉFÉRENDUM


Peu de temps avant le référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec, le Premier Ministre du Canada, 
Jean Chrétien, avait réuni son cabinet à Ottawa pour faire le point sur le rapport de force entre les tenants du "oui" et ceux du "non". 

Les sondages des fédéralistes et les "pointages" des souverainistes concordaient et établissaient le "oui" gagnant, par une marge pas très confortable, mais sans équivoque. Pour Chrétien, l'ancien lieutenant de Pierre E. Trudeau, un vétéran qui connaissait le "tabac", ou la "game", qui avait livré tant de combats électoraux, qui était toujours confiant de vaincre ses adversaires, qui était en quelque sorte un "vieux singe" à qui on n'avait pas à apprendre à faire des grimaces, le Canada était foutu... 

La perspective atroce d'être celui qui serait pointé du doigt par les historiens pour avoir été "le" principal responsable de la "cassure" du pays rendait le p'tit gars de Shawinigan malheureux au plus haut point. Ce jour-là, ses ministres assistèrent à une scène qu'ils ne croyaient pas possible de la part du combatif et énergique leader canadien. Désespéré, désemparé, leur chef fondit en larmes devant leurs yeux effarés... Tout semblait perdu pour le camp du "non"...

On connaît la suite des événements : le "non" gagna pas une très faible majorité. Il aurait suffit que 25 000 personnes changent leur vote pour que la victoire bascule dans le camp du "oui", pavant ainsi la voie à la séparation du Québec d'avec le Canada. 

Le Premier Ministre du Québec, Jacques Parizeau, imputa la défaite de ses troupes à "l'argent et à des votes ethniques".

Faisant le post mortem de la campagne référendaire après l'analyse approfondie de tous les résultats, les stratèges péquistes découvrirent cependant la véritable cause de l'échec imprévu de cette lutte serrée. Que des votes ethniques soient allés du côté du "non", il n'y avait guère de surprise là-dedans. C'était acquis, cela allait de soi.

Le désenchantement venait plutôt de la majorité plus courte que prévue du "oui" dans le bastion francophone de Québec, la Capitale Nationale. Contrairement à tous les sondages pré-référendaires, le vote des Québécois pour le "oui" ne fut pas assez vigoureux et constitua en fait, le facteur décisif dans la sauvegarde du Canada.

De là la question cruciale qui a changé le destin de tout un peuple : qu'est-ce qui s'est passé à Québec pour que la population modifie son vote ? Un étudiant de l'Université Laval, en histoire, propose une réponse assez étonnante mais difficile à prouver.

Steve Lasorsa, un montréalais de 25 ans, partisan avoué du Canadien de Montréal, prétend en effet que, quelques mois avant le référendum, le refus du gouvernement Parizeau d'aider financièrement les Nordiques de Québec à sauver leur franchise, (ce qui a causé leur déménagement au Colorado), a pu avoir un effet sur les résultats de l'importante consultation populaire d'octobre 1995.

Lasorsa écrit son mémoire de maîtrise sur la rivalité Canadien/Nordiques qui a enflammé le Québec de 1979 (juste avant le 1er référendum sur la souveraineté du Québec) à 1995 (au moment du deuxième référendum).



Entre ces deux dates "historiques" les souverainistes en étaient venus à sympathiser avec l'équipe de hockey de Québec, non seulement à cause de son bel uniforme fleurdelysé, mais parce que, contrairement au Canadien, identifié à l'establishment anglais des Molson, les Nordiques affichaient un "visage" beaucoup plus francophone dans leurs valeurs, dans leur direction et dans le nombre plus élevé de joueurs québécois.

Pour résumer à outrance leur vision, c'était les "rouges" britanniques (CH) contre les "bleus" de la mère patrie. Est-ce qu'il se peut qu'un assez grand nombre de souverainistes "nordiques", déçus de l'abandon du club de Québec par le très montréalais gouvernement Parizeau, aient décidé de se venger en votant pour le "non" ou en s'abstenant de choisir le camp du "oui" lors du référendum qui survenait presque en même temps que la perte de leur club de hockey favori ?

Sachant l'importance que l'on accorde ici au hockey, ce n'est pas une thèse impossible. Cela expliquerait peut-être aussi partiellement le fameux "mystère Québec". 

Depuis 1995, en effet, les péquistes n'ont plus la faveur des électeurs de la vieille capitale... Selon l'élève Lasorsa : «Il faut se souvenir que les gens de Québec ont voté moins fort pour le OUI que le Parti Québécois ne l'avait prévu et que, quelques mois avant le référendum, Marcel Aubut avait essuyé un refus après avoir demandé l'aide du premier ministre péquiste Jacques Parizeau pour sauver les Nordiques. Si M. Parizeau avait sauvé les Nordiques, ça aurait sûrement envoyé un message puissant et, qui sait, le résultat du référendum aurait peut-être été différent !»
 
Vingt-cinq ans plus tard, Mario Dumont, l'un des trois ténors du camp du «oui» en 1995, aux côtés de Parizeau et de Bouchard, abonde dans le même sens : le départ des Nordiques a changé en défaite la victoire présumée des souverainistes au référendum de 1995.

Dumont explique : «Jacques Parizeau et son entourage auraient dû avoir comme politique de garder les Nordiques à Québec à tout prix.  Perdre une équipe de sport professionnel est déjà un échec et un traumatisme majeur.  Mais excusez-moi, le hockey est le sport national, la fierté, l'identité.  Fierté, identité !  Ce sont les premiers ingrédients si vous souhaitez bâtir un pays !»

Il est facile et amusant de faire des suppositions et de tenter de réécrire l'Histoire. Mais c'est également assez futile. Qui sait si ce qu'avance Lasorsa et Mario Dumont est vraiment raisonnable ?  Un autre important souverainiste, Gilles Duceppe, ancien chef du Bloc Québécois, ne croit pas à cette thèse de l'influence capitale du départ des Nordiques pour expliquer la défaite référendaire de 95.

Le départ des Nordiques a-t-il changé le destin d'un peuple ? Difficile à dire, on en reparlera longtemps...

samedi 16 mai 2020

IL Y A VINGT-CINQ ANS, LA FIN DES NORDIQUES DE QUÉBEC...

Il y a vingt-cinq ans, le 25 mai 1995, Me Marcel Aubut annonçait la vente des Nordiques de Québec et leur transfert au Colorado. Un coup de masse sur la tête des partisans des Fleurs-de-lysés qui ne s'étaient jamais résolus à voir un jour leur bien-aimé club de hockey déménager aux États-Unis.
Un choc si terrible qu'il avait même enlevé aux Québécois la force ou le désir de protester ou de manifester leur mécontentement, à l'exception d'une minuscule clique de fidèles des Bleus, dont les cris se perdirent rapidement dans le vide. Un vide immense, triste, assommant, désolant...
Le temps de réaliser vraiment cette perte énorme pour la vieille capitale, l'équipe, rebaptisée l'Avalanche du Colorado, gagnait la Coupe Stanley, l'année suivante. Ce qui équivalait à tourner le couteau dans la plaie.
Quelques hurluberlus osèrent fêter cette Coupe sur la Grande Allée en prétendant que c'est l'équipe de Québec qui l'avait remportée. Mais à part eux, tout le monde dans la cité de Champlain savait trop bien que les Nordiques n'auraient pas mis la main sur le précieux trophée sans le gardien de buts étoile Patrick Roy, le cadeau que Réjean Houle et le Canadien de Montréal ont «donné» à l'Avalanche et qui a grandement facilité leur conquête du championnat.
Si les Nordiques n'avaient pas déménagé à Denver, jamais le CH ne l'aurait échangé à l'équipe de Québec, sa grande rivale provinciale. Une rivale gênante dont la direction du CH avait tenté de bloquer l'entrée dans la Ligue Nationale en 1979.
Est-ce que le départ des Nordiques aurait pu être évité ? Peut-être, si les politiciens élus par le peuple avaient cru en l'avenir du club. Mais à l'époque, les conditions économiques étaient difficiles, le dollar canadien était faible, et toutes les demandes à l'aide de Marcel Aubut, y compris l'établissement d'un plafond salarial pour les joueurs, avaient été rejetées.
Pas de nouveau Colisée, pas de casino pour servir de moyen de financement, pas d'ouverture au niveau de la mairie de Québec (Jean-Paul L'Allier), aucun secours du gouvernement péquiste de Jacques Parizeau (photo ci-dessus).
Les habitants de la région de la capitale nationale feront d'ailleurs payer cher cette rebuffade aux péquistes. Un "oui" très timide de leur part au référendum du mois d'octobre 1995 a possiblement privé les souverainistes de la mince marge qui leur aurait procuré la victoire.
Par la suite, les électeurs de Québec n'ont jamais plus fait confiance au Parti Québécois pour les représenter à l'Assemblée Nationale. Je ne prétends pas que c'est uniquement à cause du dossier du départ des Nordiques, mais cela a pu être un facteur qui a laissé un arrière-goût amer dans la bouche des partisans endeuillés des Fleur-de-lysés...